Bali n’est pas une ville. C’est une île.
La Tasmanie n’est pas un pays. C’est un Etat australien.
Oui ces vacances estivales ont été riches en découvertes géographiques et géopolitiques, pour bien d’entres nous.
Après avoir glandé à Sydney et avoir vu le plus beau (et le plus court) feu d’artifice au monde, on s’est lancés à l’assaut de la Terre de Van Diemen. Ce hollandais obscur, au nom peu évocateur pour nous, Européens éloignés et eurocentristes, n’était nul autre que le gouverneur des Indes Néerlandaises au XVIIe siècle. C’est à lui qu’il appartint d’envoyer le fidèle Abel Tasman à la découverte des terres australes. Je m’apprêtais donc à suivre les pas de ce bon vieux Tasman afin de me rapprocher de ces terres désolées et méconnues. Mais que savions nous de la Tasmanie avant notre départ ?
Quelques faits. Tasmanie : 476 000 habitants et une superficie à peine plus grande que la Lettonie. Capitale ? Hobart. Une terre vierge, un Etat de l’Australie dont les 3/4 des terres ne connaissent pas les bienfaits de la civilisation. Un nombre impressionnant de parc nationaux et une population de moutons supérieure au nombre d’habitants. Un désert humain. Un caillou australien balayé par les vents. Jadis, terre de reclus, de forcenés et de tueurs avides de sang, la Tasmanie représentait la destination crainte par tous les bagnards britanniques. Ne pas maitriser l’art de la serpillère sur le navire vous valait la joie de devoir coloniser la Tasmanie et non pas la belle ville de Sydney. La prison de Port Arthur, aujourd’hui en ruines, témoigne de ce passé si peu glorieux. Nous étions donc partis à la découverte du second cœur historique de l’Australie (après Sydney), ainsi que de son joyau naturel, fait de forêts vierges et de lacs transparents.
Petits malins que nous étions, nous avions choisi le mois de janvier pour voyager. Les bruits couraient que les touristes ne s’aventuraient pas dans ces terres en dehors des quelques mois estivaux. Les pingouins avaient élu domicile sur les côtes tasmaniennes et soulignaient ainsi la proximité dangereuse qui existait entre la Tasmanie et le cercle polaire. Notre but était donc de profiter des rares jours de soleil et de pouvoir dormir dans des tentes –non étanches (car voyageant à 10 dans un van et une voiture, nous ne pouvions héberger tout le monde la nuit tombée).
Tout promettait d’être fantastique. Les parcs, les lacs, les forêts, les feux de camps, les van puants.
Hobart s’est offerte à nous comme une ville tranquille, composée de cottages aux couleurs pastels, avec ses petits musées, ses usines de confiture transformées en galléries d’art et son minuscule port marchand, le tout coincé dans un mouchoir de poche. Le soleil était au rendez vous, baignant la ville et nous réchauffant des bourrasques de vent.
Mais le tableau s’est assombri lentement, à mesure que la journée tirait vers la fin. Il a fallut d’abord établir un itinéraire. Bien entendu, on avait attendu le dernier moment – soit la table crasseuse d’une auberge de jeunesse au lugubre nom de Transit Backpaker, la veille du road trip – pour étaler notre carte géante de la Tasmanie. 6 jours. Un van et une voiture. Près de 1000 km à faire.
Il nous a fallut batailler, se faire entendre parmi une foule de chinois animés, qui avaient pris d’assaut notre backpaker. Après des délibérations interminables, on décida finalement de zapper Port Arthur, ses fantômes et ses visites nocturnes à la bougie. Trop cher pour notre budget serré. Ne restait plus qu’à finir la nuit, récupérer le van et la voiture, caser 10 personnes, leur bordel respectif et de quoi les nourrir pendant une semaine dedans, et en route mesdames et messieurs !
Nos premières deux journées sont consacrées à deux parcs, Hartz Mountains et Mount Field. On y trouve des lacs entourés de plaines lunaires, à mi chemin entre la garigue et la lande, des cascades en veux-tu, en voilà, des eucalyptus géants où les koalas auraient pu festoyer, si ce n’est le froid polaire de cette terre de désolation. Des parcs où on nous offre des chemins tout tracés, fléchés. Des balades agréables, malgré la bruine qui s’immisce petit à petit sous nos pulls, nous forçant à revêtir des k-ways en forme de sacs poubelles, aux couleurs plus vives que ceux de l’arc en ciel, pointant parfois son nez au dessus de nos têtes.
En effet, ces deux premiers jours nous annoncent la couleur météorologique du reste du séjour. Il nous aura fallut deux heures de van pour comprendre que le soleil était réservé à Hobart, la seule ville de plus de 1000 habitants de l’île.
Ainsi, après une soirée paisible dans une aire de camping, au coin du feu (on s’est rendus compte que les bûches étaient gratuitement placées à disposition du voyageur égaré, bien après avoir passé 2h à raser la forêt voisine à la recherche de brindilles et buchettes convenables parmi les plantes exotiques et les eucalyptus géants), on a monté nos tentes, et 6 gais lurons s’y installèrent pour la nuit. Une tente est de loin plus confortable qu’un van puant les pieds. Mais au petit matin, nous découvrîmes que seule notre tente était vaillamment restée sur place. Les 4 autres gais lurons avaient fuit le cataclysme de la nuit et s’étaient éparpillés qui dans le van ou la voiture, qui sous un abri de fortune. Les deux autres tentes n’étant pas imperméables, les habitants avaient sauvé leur peau devant le sérieux dégât des eaux qui s’était abattu sur eux, sournoisement, en pleine nuit. 3h pour faire sécher les tentes dans un climat d’humidité ambiante. Pas lavés et baskets trempés aux pieds, nous repartons néanmoins, de gaité de cœur.
Mais le soir venu, toute trace d’enthousiasme quitta nos visages. Après des kilomètres de recherche (et le refus de dormir à l’abri d’une centrale électrique), la rive d’un lac balayé par une tempête glacée remporta la majorité des suffrages dans notre minuscule démocratie. Les larmes me viennent aux yeux. Pourquoi ? Pourquoi ce lac glacé ? Pourquoi cet endroit balayé par les vents et la pluie ? (dans mon top ten des pires endroits au monde, le lac Tarraleah est TRES bien classé). Une seule explication : je voyage, sans le savoir, entourée de masochistes. Monter les tentes dans le noir, par un froid glacial et sous les attaques de vent fut un délice. Ce soir je dormis néanmoins dans le van, sous les hurlements du vent, en priant pour ceux qui avaient écopé des tentes.
La route se poursuivit vers Craddle Mountain, rythmée par des pauses brosses-à-dents, des pauses pipi de 1h30 (avec une moyenne d’un WC et de 10 minutes par personne, faites le calcul), des déjeuners erratiques à base de pâtes non saucées ou de riz blanc et de panes d’essence évitées de justesse. Au détour de deux montagnes, la vallée de Queenstown s’offre à nous. Alors que nous espérions une ville où nous pourrions goûter enfin aux joies de la civilisation, nous ne trouvons qu’une station essence où de gros bras tatoués vendent des effigies de la Vierge Marie, à tamponner sur des toast fraichement grillés. Qu’est ce qu’on se marre à Queenstown. Nous ne restons que le temps d’un plein.
Craddle Mountain, enfin, à la tombée de la nuit (notre voyage ralenti à nouveau par les pauses pipi et de nouvelles discordes d’itinéraire). Les deux seuls aventuriers se lancent à l’assaut du Lac Dove tandis que les 8 autres boudent dans les voitures. Mais les aventuriers ne se découragent pas. Saisis par la beauté des lieux, ils nous tirent des voitures pour une petite balade vers le paradis des randonneurs. On est bien forcés de l’admettre, nous fainéants, la beauté de ce lieu majestueux est saisissante. On dévore le paysage des yeux malgré la pluie incessante et nos corps fatigués, pas lavés depuis 4 jours. Je m’attends à voir débarquer sur la rive, la fée Morgane, venue chercher des noises au roi Arthur. Le lieu se prête aux contes fantastiques et légendes en tout genre. Mais rien. Seulement le crépuscule, qui nous force à grimper dans les voitures avant de se faire renverser au détour d’un chemin par une horde de kangourous carnivores.
Camper à Craddle Mountain relève de l’impossible : à l’accueil on nous annonce laconiquement que les emplacements sont inondés. Damned ! Notre plan van-voiture-tentes-et-joies-du-camping tombe progressivement à l’eau. Ce sera bakcpack ce soir, les enfants. Une douche chaude en prime.
Certes il faut payer 1 dollar pour 5 minutes d’eau chaude. Certes les matelas sont recouverts d’une housse en plastique qui vous glace si par mégarde la nuit vous glissez hors de votre sac de couchage mal fermé. Mais on dort enfin. Au sec. Dans une chaleur relative.
Le jour suivant nous promet quelques rayons de soleil et Freycinet, l’un des plus beaux parcs de Tasmanie. Le van dévore les kilomètres et nous amène à travers des collines, des champs d’or, des lacs brillants sous le soleil. Moi au volant, les autres endormis à l’arrière du van, je profite du silence (la radio nous a lâchés un peu plus tôt dans la journée) et de cette immensité à perte de vue, où seul le moteur de mon van ronronne doucement. Pas une voiture, pas un rat. Une paix inestimable, dans une nature intouchée par l’homme, hormis la route goudronnée que nous empruntons.
Le voyage se faisant plus rapidement que prévu, nous décidons de nous arrêter à Bicheno. « The warm heart of the East Coast » annonce fièrement un panneau touristique. Mais on ne nous aura pas. A l’entrée de la ville, nous avions remarqué la rivière sortie de son lit. Les choses s’annoncent folichonnes à Bicheno… Les pluies diluviennes sont déjà aux portes de la ville. Un café, une boulangerie et un IGA rikiki. Vous avez fait le tour de Bicheno, merci, au revoir. 700 habitants, la pluie et nous.
On se carapate, à défaut d’avoir autre chose à faire, jusqu’à un point de vue où jadis il y avait des baleines (vue la tempête sur l’océan on n’en voit pas des masses) et au blowhole, un trou entre deux rochers d’où jaillit la mer. Manquant de se faire emporter par des vagues de 4m, on décampe. Cette nuit nous filoutons, une chambre de 2 réservée pour 10. Nul n’est sur place pour nous voir : nous sommes 5 dans la chambre, 3 dans le van et 2 dans la voiture. Il faut néanmoins se glisser dehors à 6h du mat pour ne pas croiser le propriétaire.
Dans la seule boulangerie ouverte on apprend du journal local que les routes que nous avons gaiement empruntées hier (souvenez vous, les collines, les champs dorées, toussa toussa) sont inondées. Temps de quitter Bicheno, avant que l’amphibie, qui nous guète déjà, ne nous fasse muter.
Freycinet se classe dans mon top Ten personnel des endroits décevants. On nous avait promis ceci:
Mais on ne vit que cela:
Une marche interminable pour voir une baie invisible (recouverte de brouillard). La Wineglass Bay tire son nom du sang qui affluait sur les côtes lorsqu’on y massacrait les baleines. Ou étaient ce les Aborigènes ? Les détraqueurs de la légende parient sur la forme de la baie pour ce nom. D’autres encore s’estiment intelligents en affirmant que la baie fait référence aux Français, amateurs de vin (Freycinet était un gaillard de chez nous). Trop de légendes pour un endroit abandonné par Dieu (trop froid, trop venteux, irrécupérable). La visite se poursuit avec une descente aux Enfers (la baie en question, où le vent hurle fort et le sable fouette bien plus encore) et une remontée qui manque de me coûter un poumon et l’ensemble de mes nerfs. Le tout sous la pluie battante bien sûr, sinon ce n’est pas drôle. Trempés jusqu’aux os, affamés, déçus, nous roulons vers le sud.
Dernière nuit (étonnamment sèche, il ne pleut pas à Hobart) sous une tente. C’est un plaisir. La douche n’est pas loin, il fait sec sous la tente et chaud dans le duvet.
Le lendemain, Tiger Airways refuse d’afficher notre vol au Terminal des départs. Alors on s’étale à dix dans un couloir, par terre, comme des clodos, pour manger notre déjeuner à base de nouilles en poudre versées dans un gobelet d’eau chaude à $0,5. Finalement les employés de Tiger reviennent de leur interminable pause déjeuner, programment le vol et on est bons pour partir à Melbourne.
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